Le RÉQRÉA, c’est quoi ?

Genèse du projet

RéQREA est l’acronyme de Réseau Québécois de Ressources pour l’Étude des Archéomatériaux. C’est un projet collaboratif de mise en réseau et de partage des informations relatives à l’étude des biens culturels au Québec et/ou du Québec, à l’aide d’une plate-forme numérique en libre-accès et d’une liste de diffusion . Initié en 2013 par Laetitia Métreau, Adelphine Bonneau et Céline Dupont-Hébert, il est repris en 2017 par l’Association des Archéologues du Québec (AAQ) pour en assurer le développement pérenne.

D’où vient cette idée ? Du constat d’un manque de coordination et de structuration académique de l’archéométrie au Québec, en partie imputable à la dispersion géographique des chercheurs, isolés dans leurs milieux de travail respectifs malgré les liens qu’ils ont tissés à différentes échelles. En mettant à profit les possibilités qu’offrent les technologies de l’information et de la communication, l’idée originale souhaitait pallier certaines faiblesses organisationnelles inhérentes à ces entreprises « individuelles » et à leurs réseaux parallèles, tout en suscitant une réflexion sur les pratiques en usage et sur les axes de recherche développés au Québec.

À court, moyen et long termes, les objectifs visés sont :

  • de développer des partenariats et des collaborations régionales, nationales voire internationales, en s’associant à des réseaux déjà constitués, à l’exemple du réseau CAI-RN [1] ou du Conseil franco-québécois de coopération universitaire [2];
  • d’accroître la visibilité des acteurs qui forment cette communauté au Québec et celle des chercheurs qui s’intéressent à l’étude des matériaux du patrimoine culturel québécois hors du Québec ;
  • de favoriser le rayonnement des projets et de l’expertise québécois.

Puisqu’il s’agit d’un projet collaboratif, le but est de créer une dynamique de groupe où toute bonne volonté peut apporter sa pierre à l’édifice. Vous pouvez transmettre vos idées à l’adresse suivante : administrationweb@archeologie.qc.ca

Laetitia Métreau et Adelphine Bonneau

[1] Pour plus d’informations sur le réseau CAI-RN, cliquez ici (http://archeometrie.cnrs.fr/)

[2] Pour plus d’informations sur le CFQCU, cliquez ici (http://www.cfqcu.org/)

L’archéométrie au Québec : repères

Les principes à la base des sciences telles que la géologie, la paléontologie, la biologie, la chimie ou encore la physique et auxquelles recourt l’archéologie pour analyser et interpréter les artéfacts mis au jour lors de fouilles, remontent au moment où ces sciences émergent dès la Renaissance. Par exemple, comme l’indique Montaigne (13), les principes des cercles de croissance annuelle des arbres (dendrochronologie) font partie de la connaissance des tonneliers dès le XVIe siècle (15). Toutefois, le recours régulier de l’archéologie à d’autres disciplines pour comprendre les populations qui nous ont précédés et leurs modes de vie se situe aux alentours de la seconde guerre mondiale, avec la datation par le radiocarbone par exemple (11, 22). Selon Brothwell et Pollard (5), la première synthèse traitant de l’application de l’archéométrie à l’archéologie en langue française date de 1952: La Découverte du passé (10). Les ouvrages synthèses subséquents ont été publiés en anglais : deux éditions de Science in Archaeology (3, 4) et le Handbook of Archaeological Sciences (5). Moreau (15) rend compte du rythme de transformation de l’archéométrie, telle que mesurée par le contenu de ces ouvrages.

Qu’en est-il au Québec ? À partir des années 1970, il est possible de retracer des exemples d’archéométrie. Ainsi Plourde (20) rappelle que Benmouyal (2), dès 1974, recourt à l’analyse du phosphore pour déterminer les schèmes d’établissement paléoindiens (8000 à 12 000 AA). En 1976, Trigger et al. (23) propose une analyse élémentaire des pâtes de 650 tessons provenant de seize sites Iroquoiens du Saint-Laurent (1000 à 500 AA) afin de déterminer la variation interrégionale et intrasite des céramiques. Du début des années 1980 datent encore les travaux de caractérisation élémentaire de séries de tessons iroquoiens réalisés par Crépeau (7,8). Divers travaux de caractérisation d’objets de la période du contact (1500-1800) ont permis de préciser notamment la datation, les techniques de fabrication, la circulation de perles en verre et de chaudron en alliages cuivreux (16, 17, 19). Entre 1977 (date du contrat) et 1980 (date de la publication), Proulx (21) procède à la caractérisation physico-chimique des pâtes et des glaçures des céramiques de l’atelier Charles Belleau (seconde moitié du 19e siècle).

Depuis lors, l’archéométrie est devenue un outil incontournable en archéologie au Québec. Plourde (20) offre un regard synoptique au moins pour son application à l’archéologie amérindienne. Sans aucune volonté d’exhaustivité, les volumes collectifs suivants illustrent bien les développements récents en archéométrie au Québec : Chapdelaine et al. (6), Moreau (14), Fortin (9), Bain et al. (1), Moreau et al. (18), Loewen et al. (12).

Moreau (15) propose le schéma suivant de la contribution de l’archéométrie à l’archéologie : « l’application des sciences naturelles et fondamentales s’inscrit à toutes les étapes de la démarche archéologique, de la découverte et de la fouille d’un site archéologique à l’analyse et l’interprétation des objets et de leur contexte. Si toutes les sciences naturelles et fondamentales participent à la démarche archéologique, la géologie occupe, de façon non exclusive, une place prépondérante lors de la collecte des données, ne serait-ce que parce que la matrice des cultures passées est le sol. Par ailleurs, que les objets archéologiques ou leurs données contextuelles soient analysés à travers le prisme des approches typologiques classiques en archéologie ou au moyen des sciences naturelles et fondamentales, ils ne pourront être interprétés qu’à la lumière du processus intellectuel d’analogie, lequel permet de proposer une (re)construction des modes de vie du passé tout autant que leurs dynamismes, contribuant ainsi à la compréhension des phénomènes sociaux (voir figure 1) ».

En somme, l’archéométrie offre des outils nombreux et variés pour rendre compte des modes de vie des acteurs dont les comportements sont mis au jour par l’archéologie notamment circulation des biens et produits, les savoirs faire technologiques, la datation. Quant aux matériaux susceptibles d’être utilement analysés, ils sont nombreux : pierre, céramique, verre, métaux, sols, cette liste n’étant pas exhaustive.

Jean-François Moreau

Figure 1 : Contributions de l’archéométrie à l’archéologie (modifiée d’après le site internet : http://www.unifr.ch/geoscience/geology/en/research/archaeometry, visité le 31-03-2017)

*1-Bain A., Chabot J. et Moussette M. (dir), 2007, La Mesure du passé, recherche en archéométrie. Londres, Archaeopress.

*2-Benmouyal, J., 1987, Des Paleoindiens aux Iroquoiens en Gaspésie: six mille ans d’histoire. Québec, ministère des Affaires culturelles du Québec, Collection Dossiers n° 63.

*3-Brothwell D. et Higgs E. (dir), 1963, Science in Archaeology. A Comprehensive Survey of Progress and Research. New York : Basic Books / Thames and Hudson.

*4- Brothwell D. et Higgs E. [1969], 1971, Science in Archaeology. A Survey of Progress and Research. Revised and Enlarged Edition. s.l. : Thames and Hudson.

*5-Brothwell D et Pollard M. (dir), 2001, Handbook of Archaeological Sciences. New York, John Wiley & Sons.

*6-Chapdelaine C., N. Clermont et R. Marquis (dir.), 1995, Étude du réseau d’interactions des Iroquoiens préhistoriques du Québec méridional par les analyses physico-chimiques. Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, Coll. Paléo-Québec n° 24.

*7-Crépeau R., 1982, « La céramique du Québec septentrional : algonquienne ou iroquoienne? ». Recherches amérindiennes au Québec 12 (3): 217-223.

*8- Crépeau R., 1983, La céramique du Québec septentrional : algonquienne ou iroquoienne ? Mémoire de maîtrise, département d’anthropologie, Université de Montréal.

*9-Fortin M. (dir), 2001, Journées d’étude du Groupe de recherches en archéométrie du CELAT (1997-1999). Québec, Université Laval, CELAT, Cahiers d’archéologie du CELAT n° 10, Série archéométrie n° 1.

*10-Laming A. (dir.), 1952, La Découverte du passé. Progrès récents et techniques nouvelles en préhistoire et en archéologie. Paris, Éditions A. et J. Picard

*11-Libby W.F.,1952, Radiocarbon dating. Chicago, University of Chicago Press.

*12-Loewen B., C. Chapdelaine et A. Burke (dir.), 2010, De l’archéologie analytique à l’Archéologie sociale. Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, Coll. Paléo-Québec n° 34.

*13-Montaigne M. (de), 1774, Journal du voyage de Michel de Montaigne en Italie par la Suisse et l’Allemagne en 1580 & 1581, humanities.uchicago.edu/orgs/montaigne/h/lib/JV1.P DF : p. 138 (version en langue française moderne : Journal de voyage. Paris : Gallimard, 1983, coll. Folio, p.318-319).

*14-Moreau, J.-F. (dir.),1999, L’Archéologie sous la loupe. Contributions à l’archéométrie. Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, coll. Paléo-Québec n° 29.

*15- Moreau, J.-F., 2007, « Archéométrie : perspectives et prospectives », dans A.Bain, J. Chabot et M. Moussette (dir.), La Mesure du passé, recherche en archéométrie. Londres, Archaeopress, p.47-59.

*16- Moreau, J.-F., 2014, «Au temps de la traite des fourrures : les perles du “ contact ” » dans Maltais D. et S. Tremblay (dir.), Enjeux théoriques et pratiques du développement régional : 30 ans de recherche au GRIR. Chicoutimi, Université du Québec à Chicoutimi, Groupe de recherche en interventions régionales, p. 51 à 70.

*17- Moreau, J.-F., n.d., « Le chaudron en alliage de cuivre : échanges d’un nouveau type entre l’Europe et le Nord-est de l’Amérique du Nord » dans Pernot, M. (dir.), Quatre mille ans d’histoire de cuivre – Fragments d’une suite de rebonds. Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux (sous presse).

*18- Moreau, J.-F., R. Auger, J. Chabot et A. Herzog (dir.), 2009, Proceedings/Actes 36th International Symposium of Archaeometry/36e Symposium International d’Archéométrie, May 2nd – 6th, 2006 Quebec City, Canada, Québec, Université Laval, CELAT, Série archéologique, n° 24 coll. Archéométrie n° 7.

*19- Moreau, J.-F. et R.G.V. Hancock, 1999, « Faces of European copper alloy cauldrons from Québec and Ontario «contact» sites ». Dans Young, S.., Pollard, A. Mark, Budd, Paul et Ixer, Robert A. (dir.), Metals in Antiquity. Oxford, Archaeopress, BAR International series n° 792, p. 326-340.

*20-Plourde M., 2009, Étude synthèse sur les sites archéologiques caractéristiques de l’Occupation amérindienne du territoire et sur la contribution scientifique de l’archéométrie, Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec, Rapport final.

*21-Proulx A., 1980, L’atelier céramique Charles Belleau, La Baie (Chicoutimi), 1855-1889, Québec Ministères des affaires culturelles, Dossier n° 47.

*22-Taylor R. E., 1987, Radiocarbon dating. An archaeological perspective, Toronto, Academic Press.

*23-Trigger B. G., L. Yaffe, M. Diksic, J.-L. Galinier, H. Marshall et J. F. Pendergast, 1980, « Trace-Element Analysis of Iroquoian Pottery », Canadian Journal of Archaeology, 4 : 119-145.